Une hérésie « poélitique »
Jean Duflot a été un passeur essentiel de l'oeuvre et de la parole de Pasolini : il a rassemblé en 1969 et 1975 des entretiens au long cours avec le poète (1). Il revient pour nous sur ce « Centaure ».
La poésie a été la religion de Pier Paolo Pasolini, sa raison d'être, et même sur le tard son tourment et son crève-coeur. C'est elle qui lui survit. À plusieurs reprises il en aura appréhendé l'extinction comme genre, analogue à celle des espèces biologiques en voie de disparition. C'est tout juste si elle ne passait pas de son vivant pour le symptôme d'une dégénérescence mentale : la redondance pathologique de son altérité homosexuelle. Parmi les rares tentations de renier son métier de poète, il y a cette appréhension, en apparence désenchantée, de sa propre désuétude poétique. « Le monde ne me veut plus, et il ne le sait pas encore », écrit-il au bas d'un dessin où il met en scène la figure mythique du Centaure. Cette figure incarne idéalement les dualités qui font de Pasolini un hybride inclassable, le hors-la-loi des emblématiques essais L'Expérience hérétique et Lettres luthériennes. Roland Barthes, qui évoque Pasolini dans sa leçon inaugurale au Col ...