Pierre Bergounioux*
"Offrir à ceux qui ne sont plus ce dont ils ont été privés : le sens de leur vie"
«La Première Guerre était partout autour de moi. Je suis né en 49, j'ai 50 ans. « Ils y étaient », comme on dit, mes grands oncles, devenus sourds à cause de la déflagration d'un gros canon... Mon père, orphelin de père à trois ans, parlait peu de cette époque. Ceux qui avaient enduré cette ère de ténèbres, commencée dans l'adolescence du siècle, voulaient que leurs enfants soient épargnés. Mais j'y étais, à travers ceux que je sens m'habiter. Ma grand-mère était veuve à 28 ans, avec deux garçons de 3 et 4 ans sur les bras. Le coeur se serre devant ces destins à la fois individuels et collectifs. Je me sens comptable au regard de ceux qui ont été condamnés au silence, dans l'impossibilité de faire retour sur eux-mêmes, d'autant que ma génération est la première dans l'histoire du pays à avoir vécu dans la paix, l'abondance des heures d'or qui ont fait place à la tendresse tout en assurant l'instruction massive et prolongée. Nous pouvons offrir à ceux qui ne sont plus ce dont ils ont ...