Piraterie, à l'abordage des clichés
Une riche anthologie donne accès aux Mémoires d'authentiques flibustiers du XVIIe siècle. On y découvre une terrible âpreté, et un monde qui, loin d'être sans lois, négocie en permanence avec les puissances en place.
Les peintres parlent souvent de l'insurmontable perfection de la nature, on entend moins les écrivains se plaindre de l'Histoire. Étrange sérénité. Il suffit de lire les Mémoires d'authentiques flibustiers - Massertie, Duplessis ou Exquemelin - pour être saisi d'effroi devant la pauvreté de notre imaginaire littéraire ; la vie réelle des pirates est mille fois plus passionnante que celle qu'on leur prête. Haïe et fuie par ses acteurs eux-mêmes, elle se révèle plus intense, plus fragile, plus colorée même que L'Île au trésor. Il serait absurde d'en faire l'éloge, car il n'y a pas d'éloge à faire de la misère, des maladies, des noyades et des innombrables formes de la cruauté humaine. Mais il serait plus absurde encore de la décrier, la nécessité de survivre dans les marges du monde se suffisant à elle-même - d'autant qu'elle mobilise, à l'occasion, les vertus les plus indiscutables. Le lecteur, la lectrice qui en découvrent la vérité toute nue, au contact des Mémoires tenus ...