Lettres de cachet
Jusqu'ici traduite en français au compte-gouttes, la correspondance de l'écrivain fait enfin l'objet d'un volume important - plus de mille pages pour 768 missives. Tchekhov se révèle un correspondant pétillant d'humour, d'une agilité sans apprêt. Frappe, d'une lettre à l'autre, l'unité de ton, quel que soit le destinataire, intime ou relation plus lointaine.
Au fond de la brasserie Wepler, la dame blottie sur la banquette a les pommettes hautes et des yeux d'un bleu presque transparent. Elle semble s'extirper d'un rêve, soudain assignée à l'âpreté du réel après avoir vécu quatre ans en amitié amoureuse avec le fantôme d'Anton Pavlovitch Tchekhov. Maîtresse d'oeuvre d'un substantiel recueil de sa correspondance, Nadine Dubourvieux est une pionnière. Si le théâtre, les récits et les nouvelles du plus discret géant de la littérature russe sont intégralement disponibles en français, les 4 500 lettres serrées dans les douze volumes de l'édition soviétique n'avaient jusqu'alors fait l'objet que de coups de sonde partiels. Tels les échanges avec Gorki, ou avec son épouse et dernier amour, l'actrice Olga Knipper. Son premier passeur en français, Denis Roche (1868-1951), avait déjà donné deux minces recueils d'extraits de lettres en 1934, et les Éditeurs français réunis (bras littéraire du PCF) avaient fait de même en 1964, avec une traduction p ...